La Culture à Monaco en 2040
Workshop
Dans le cadre du Green Shift Festival organisé par la Fondation Prince Albert II de Monaco, dont la première édition s’est tenue du 7 au 10 juin 2023, un atelier de design fiction a été proposé aux entités culturelles monégasques, en collaboration avec Imagine 2050 et la Direction des Affaires culturelles de la Principauté.
Ce temps de réflexion intitulé « La Culture à Monaco en 2040 » a été mené le 9 juin 2023 à l’Auditorium Rainier III par Yasmina Auburtin, consultante nouveaux récits, et Rémi Sabouraud, animateur de processus créatifs, avec dix-neuf participants issus des domaines de l’art, de la communication et de l’écologie.
L’objectif de l’atelier, axé sur la culture comme vecteur de changement positif pour nos sociétés en transition, était de projeter ses participants dans un futur désirable où de grandes actions en faveur de l’environnement auraient pu être accomplies. À travers l’élaboration de scénarios de projection et s’inspirant des principes de l’intelligence collective et de la théorie du changement en psychologie, la session avait pour but de dessiner de nouvelles trajectoires pour nos imaginaires et d’élaborer une feuille de route collective pour les années à venir.
Le pouvoir des récits et des imaginaires
La question des récits est au cœur de l’histoire de notre humanité. Depuis presque 70 000 ans, c’est ce qui nous a permis de nous comprendre, de nous entendre, de coopérer et in fine de nous structurer. Partager un récit commun revient à partager des valeurs, des croyances, des rêves, des envies. Le récit nous ancre dans une certaine conception de la réalité et nous engage dans une trajectoire. Ainsi, en utilisant ce pouvoir dit du storytelling on peut exercer une influence sur les individus, leur façon de penser le monde et leur façon de s’y comporter.
Le monde de la politique, de la publicité ou du marketing, des lobbys, s’en sont emparé pour façonner depuis des décennies des récits dominants qui vont malheureusement le plus souvent à l’encontre des préconisations scientifiques en termes de respect de l’environnement et de gestion énergétique. Le principe de sobriété y est représenté de manière très négative : on parle d'interdiction, d'obligation, de vitesse maximale, de taxes, de punitions, de discours moralisateurs... Des perspectives peu réjouissantes qui entravent la possibilité de changement. Pourtant un monde sobre, c’est avant tout un réseau de co-bénéfices salutaires : création d’emploi, santé humaine, santé planétaire, justice sociale. Pour gagner cette bataille des imaginaires, l’enjeu est de renverser les valeurs en jouant sur les mêmes dynamiques : continuons de vouloir toujours plus, mais plus de reconnexion, de coopération, de collectif, d’inclusion, de santé, etc. plutôt que plus de biens matériels, de voyages, de performance technique, etc.
Journalistes, artistes, militants, scientifiques, se réapproprient aujourd’hui le pouvoir du storytelling pour construire de nouveaux récits écologiques au cœur desquels il est question de respect du vivant, de joie militante, de force du collectif. Les exemples inspirants se multiplient et se nourrissent les uns les autres avec en point de convergence l’importance de repartir du territoire pour accélérer la transition, se reconnecter à son milieu immédiat et retisser du lien. L’écologie culturelle pense la culture comme le ciment de nos sociétés et porte d’entrée vers une écologie du sensible et de l’empathie. Preuve que ce futur durable positif n’est pas qu’une simple utopie.
Les scénarios d’avenir et leurs problématiques
De nos jours, il existe trois scenarios possibles : le déni (business as usual) qui refuse de voir qu’il est impossible d’exploiter de manière illimitée des ressources limitées ; le techno-solutionnisme qui consiste à parier que l’ingéniosité de l’homme résoudra tous les défis ; et l’option de la sobriété. Les deux premiers scénarios révèlent leurs limites face à l’urgence et la gravité de la situation. Nous savons tous désormais que nous ne pouvons pas continuer sur la même lancée d’un point de vue énergétique compte tenu notamment de la raréfaction des ressources en eau et des matières premières. La troisième option implique d’accepter un changement structurel de nos modes de vie. Mais à quoi ce monde sobre peut-il ressembler ? Comment pouvons-nous y être heureux ?
Les différentes étapes de l’atelier consistaient à imaginer à quoi la culture ressemblerait dans cet avenir souhaitable de sobriété, quels seraient sa nouvelle mission et ses nouveaux modes opératoires, et quel rôle elle pourrait jouer dans cette transition. Pour ce faire, trois grands axes ont été étudiés : la culture des peuples racines, comme voie pour changer notre regard sur les écosystèmes et bâtir une société résiliente ; la culture citoyenne comme pilier de transformation dans une société où les équipements culturels sont devenus les temples d’un nouvel élan démocratique ; et la culture reliante comme trait d’union entre la politique, les sciences, les entreprises, les citoyens pour que la culture et les artistes deviennent les ambassadeurs d’un nouveau projet de société, où nos nouveaux rôles et métiers se mettraient au service de changements profonds et nécessaires.